L'agriculture urbaine

Pour verdir le béton, les municipalités font fleurir les ronds-points, mettent en place de petits parcs dans lesquelles nos chers bambins s’égayent dès le matin. On y retrouve buissons, arbustes, arbres mais aussi quelques parterres de fleurs aux pétales oranges, jaunes, violets, rouges et blancs. Ce sont des végétaux vitaux pour l’âme citadine qui, lassée de cette grisaille torve, peut aller humer entre deux rendez-vous les effluves sucrées. Cela se comprend, la Nature peut ainsi se frayer un chemin jusque dans la zone industrielle pour rappeler aux humains, perdus dans leurs besognes les plus métalliques, le rôle de la terre comme premier élément créateur.

Toutefois, rien n’est laissé au hasard dans ces périmètres de verdure ; il n’est question que de plantes donnant un caractère esthétique, quoique j’aie ouï dire qu’il y avait quelques plantes aromatiques traînant ci et là dans notre chère ville de Compiègne. Ce que nous aimerions proposer ici, c’est d’associer à ces plantes magnifiques des végétaux qui apporteraient plus que du décorum : des légumes, des arbres fruitiers ou encore des plantes aromatiques.

Le mouvement participatif les Incroyables Comestibles [1] défend justement cette initiative qui vise à implanter directement dans l’espace public des plantations comestibles. Cet espace public est par définition ouvert à tous : chacun peut participer aux opérations de plantation, à l’entretien des cultures et peut aussi venir récolter. Bien sûr ce ne sont pas forcément les mêmes personnes : au sein des Incroyables Comestibles on plante pour tous et non pas pour soi.

En cultivant ensemble, le mouvement cherche à créer du lien entre les citoyens et aussi avec notre terre nourricière dans une société où la distance entre production alimentaire et alimentation est de plus en plus grande. Il s’agit d’un premier pas vers des dynamiques d’autosuffisance alimentaire et la promotion des circuits courts pour l’alimentation [2].

Surtout, la proposition des Incroyables Comestibles est aux antipodes des nombreuses utopies urbaines qui promeuvent d’incroyables build-dingues ; ferme verticale high tech devant assurer autonomie énergétique et alimentaire à ses habitants, voire à tout un quartier. En réalité, ces rêves constituent des aberrations écologiques absolument non soutenables. Pour densifier la ville, c’est une prédation toujours plus importante de ressources et de terres naturelles qui est faite. Car derrière toute tour se cache un vaste trou béant dans la mer, une entaille à vif creusée à l’acide dans les sols et une dépense énergétique colossale. En réintroduisant la production alimentaire en ville, l’enjeu est aussi de lutter contre l’externalisation croissante des pollutions urbaines occidentales.

Plutôt que de densifier par le haut, densifions par le bas. Réintroduisons une multifonctionnalité des interstices végétaux, aujourd’hui purement ornementaux. Rendons signifiantes ces plates-bandes vertes qui parcourent nos villes. Avec le printemps sonnons l’agriculture urbaine citoyenne.

 

Compiègne en Transition



[1] Créé en Angleterre et dénommé Incredible Edible. Ce mouvement fait partie de la transition citoyenne des territoires et compte des initiatives dans plus de 500 communes, partout en France.


[2] Le marché à Compiègne c’est le mercredi matin et le samedi matin rue Saint Corneille (en face de la mairie). Mais aussi le jeudi matin à la place Carnot et enfin au square Beaudelaire (Clos des roses), le mercredi matin.