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Personnage principal

Branche de vieComiqueDécouverteEcrit par perrince
C’était une journée brumeuse, le genre de journée que notre héroïne détestait. Plongée dans ses pensées, au volant de sa voiture, elle méditait sur sa vie. Les gouttes roulant sur son pare-brise la maintenaient dans cet état de semi-transe dont il fallait qu’elle sorte si elle voulait arriver à bon port, saine et sauve (ainsi que les piétons imprudents).

Oui, aujourd’hui elle avait eu une révélation et elle se demandait : et si tout pouvait être différent, qu’aimerait-elle changer ? La question peut sembler banale pourtant, en cet instant, elle la hante. Souvent elle avait été amenée à penser à ce qu’elle aimerait changer chez elle pour être plus parfaite. Bien sûr d’abord physiquement, un nez plus fin, une bouche plus pulpeuse, des joues plus rosé que rouge. Puis intellectuellement, un esprit plus aiguisé, un sens de la répartie plus tranchant, un peu moins de sensibilité. Mais jamais, au grand jamais, elle n’avait songé à ce qu’elle aurait dû faire différemment.

Et si elle ne s’était pas assise à cette place là à la rentrée, sa meilleure amie serait-elle à ses cotés ? Et si elle avait partagé un peu plus de moments avec les siens tant qu’il en était encore temps, aurait-elle tout de même ce poids sur la poitrine ? Et si elle n’était pas allée à ce rendez-vous ce jour-là, aurait-elle eut le cœur un peu moins brisé ?

Pas qu’elle le soit, brisée. Dans cette atmosphère brumeuse elle songeait juste à cela, à comment sa vie et chaque seconde qui l’avait façonnée l’avaient menée à cet endroit précis de l’univers. Ici, sous la pluie, à l’abri de sa Twingo bleue.
Ces derniers temps, elle avait essayé de se laisser bercer par les vagues de la vie au lieu de les combattre comme un saumon remontant le courant. Elle avait tant cherché durant son adolescence à tracer son chemin par elle-même qu’elle en avait oublié que la vie ne correspondait pas forcement à une bataille à livrer, mais elle pouvait aussi être un chemin à emprunter. Alors, en ce moment elle écoute en boucle dans ses écouteurs la playlist « bonheur », elle danse, et souvent elle rit. Son rire, elle le veut franc et direct, mais surtout elle le veut communicatif.

Et alors, dans son carrosse, arrêtée au feu, elle agite ses mains sur le tempo, oubliant sur ces quelques notes et le temps d’un instant ses réflexions profondes. Sur le passage piéton, juste devant elle passe une dame encapuchonnée précédée de son landau. Ses épaules voutées et ses mains crispées dénotent de sa fatigue, son visage tourné et concentré sur l’intérieur de la poussette ne laisse pourtant transparaitre aucune émotion. La voiture rugit ses accords et alors elle jette un regard oblique à ce capharnaüm, voit cette fille qui danse dans sa voiture, ne se doutant pas un seul instant dans quels tourments ses pensées l’emmènent, et alors, cette dame au visage tiré souris.

À ce récit pas de chute définie, pas de bouleversement dramatique. Notre héroïne arrivera finalement à bon port, la poussette également. Et bien que cet instant partagé n’ait duré qu’une fraction de seconde, il est bon de se rappeler que le bonheur se partage et que nous sommes tous les personnages principaux de notre propre vie.