Je me suis toujours réfugiée près de la mer. Même petite, lorsque la vie m’étouffait, je courrais vers les falaises pour m’échapper. Là-haut, plus près des oiseaux que des hommes, je marchais en équilibre sur les pointes déchiquetées des rochers, au rythme des vagues qui indéfiniment s’écrasaient plus bas. Comme un battement de coeur, la mer me faisait avancer. Les albatros m’appelaient et je rêvais de m’en aller, loin, au-delà de l’horizon, là où s’enfuit chaque soir le soleil. Là où tout est n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Là-bas, sur la crête, il n’y avait que moi et ma mer.
Et puis un jour, il y eut quelqu’un sur mon chemin. Une petite fille en ciré jaune, posée sur la crête comme tombée du ciel, qui regardait la mer. Une petite fille, tout comme moi, qui voulait s’envoler. Une petite
fille, qui devint comme une soeur. Eva : Trois lettres pour une fille haute comme trois pommes. Eva, avec
qui je fis les 400 coups, si ce n’est-plus. Eva, une évidence. A partir de ce jour, nous avons tout vécu ensemble, main dans la main. Le collège, l’adolescence, les garçons, le lycée … Nous nous retrouvions inlassablement sur la crête pour parler, nos secrets disséminés au vent.
Mais un jour nous sommes parties, chacune de notre côté de la crête, vers d’autres horizons. Toujours en équilibre, toujours en mouvement, je continue à avancer sur le rythme lointain du fracas des vagues. Mais quelque soit le pays, quelque soit la mer, lorsque la vie me parait trop amère, je ferme les yeux et je repense à la crête, je repense à Eva, je repense à sa main qui serrait la mienne. J’entends sa voix qui me console, j’entends sa voix qui me rassure. Je ferme les yeux, et je m’eva-de.