Lâcher prise. Décoller. S’évader.
Avant je blâmais, râlais, jugeais, me disputais, craignais, comptais, pensais. Mais je ne vivais pas. Là-haut je m’en rends compte. Je ne suis rien. Mes problèmes ne sont rien. Quels problèmes ? Avant je n’avais jamais vu le ciel bleu. Je n’avais jamais vu un coucher de soleil. Je le vois maintenant. Je le vois... Pour la première fois. L’apesanteur m’a pris sans prévenir. Je survole mon monde. Je survole les autres, ils me font rire. J’espère qu’ils verront un jour comme je vois. Silence. Je plane au-dessus des champs. Je plane vers l’horizon orangé. Je plane entre les nuages. Je suis léger, aussi léger qu’eux. Mes pensées s’envolent et me libèrent. Mon esprit est libre d’admirer les couleurs, d’écouter la légère brise et de la sentir sur ma peau. Mon esprit est libre de sentir l’odeur de la pluie qui imprègne l’air.
La vie est un mystère. Parfois j’aimerais me renseigner sur la vie, comprendre la vie. Mais, honnêtement, je préfère la vivre. Du haut de mon nuage, je vois l’horizon enflammé. J’ai embarqué je ne sais comment vers d’autres terres. Je préfère regarder ce spectacle, ce coucher de soleil, ces nuages autour de moi. Le plus beau des tableaux. Du rouge, du jaune, du rose, de l’orange d’un coucher de soleil, un rideau de pluie à gauche, une vallée verte à droite. Je suis en harmonie avec la nature. Je suis proche de la nature. Je ressens la nature. Je suis la nature. Enfin, je crois. En réalité, ça m’est égal. Je sais que je suis bien, mais je ne peux pas l’expliquer. Je me laisse prendre dans cette transe. Je laisse cette brise me porter, et qu’importe qu’il s’agisse d’un vent breton ou d’un ouragan de Floride. Je suis là, ou peut-être ailleurs. Mais qu’importe, je m’évade…
Il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Je suis allongé sur un transat face à une étendue de vignes et à un fabuleux coucher de soleil qui m’est familier. Je me sens tout engourdi comme après une trop longue sieste qui suit habituellement les repas trop copieux. Sur ma droite, j’aperçois Thomas qui s’approche de moi avec un sourire. Je lui crie : “Eh Thomas ! Ton omelette aux champignons… Une tuerie mec !”