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[Texte sans titre]

Détente

Un bruissement dans la végétation épaisse de la canopée vint troubler la quiétude de la vie sauvage. Une soudaine vague d’oiseaux tropicaux aux ailes colorées engloutit le ciel crépusculaire. Une famille de Saïmiris en alerte traversa les cimes en sautant à travers les branchages, tandis qu’un tatou s’engouffra à la hâte dans son terrier. Une silhouette fluette progressait avec aisance entre les troncs. Anahi courrait à toute vitesse, évitant les racines traîtresses à la frontière de la mangrove. Elle était à bout de souffle, mais se mouvait avec agilité. La jeune fille savait parfaitement se déplacer dans cet environnement hostile, comment éviter les lianes formant de véritables murs végétaux et quelle plante ne surtout pas effleurer. La jungle pouvait se révéler fatale pour quiconque s’y aventurait imprudemment.

Elle déboucha enfin sur une carrière de fougères arborescentes et s’accroupit, de manière à être camouflée par la végétation. Se tenant parfaitement immobile, ses muscles en tension, elle ferma les yeux et porta toute son attention sur les bruits environnants. Le sifflement aiguisé du vent sur les feuilles. Le chant lointain des toucans, si reconnaissable à ses notes mélancoliques. Le bourdonnement incessant de milliers d’insectes peuplant les hautes herbes. Cet environnement recelait aussi tout un monde olfactif qui lui était familier. La senteur de la terre humide mêlée à celle de la brise salée la revigorait.

Soudain, un bruit derrière elle la fit sursauter. Elle n’eut pas le temps de se retourner qu’elle se retrouva projetée au sol. Elle se débattit, sans parvenir à se débarrasser du poids qui la plaquait à terre.

« C’est bon tu peux me lâcher » grogna Anahi.

Avec un rictus de satisfaction, son petit frère Teiki relâcha son emprise. Bien que de deux ans son cadet, il était bien plus grand et musclé. Ses cheveux d’un noir de jais, son teint hâlé et son nez aquilin marquaient sa ressemblance avec sa sœur. Traqueur hors pair, il gagnait toujours à leur jeu.

« On devrait rentrer au village maintenant, la nuit commence à tomber » lança-t-il d’un ton enjoué. Avec une mine boudeuse, elle lui emboîta le pas.

Le ciel était désormais si sombre qu’elle peinait à distinguer le sommet du mont Temehani, le volcan de l’île. Ils progressaient en silence lorsque Teiki changea brusquement de direction. Anahi remarqua une curieuse faille le long d’une paroi rocheuse. En se rapprochant ils remarquèrent que la faille était suffisamment large pour leur permettre de s’y glisser. Une mystérieuse lumière bleutée s’en dégageait. Ils échangèrent un regard mais savaient tout deux que leur curiosité l’emporterait sur leur prudence. Après une progression difficile dans un étroit couloir, ils débouchèrent sur une gigantesque cavité naturelle.

Tout deux restèrent bouche bée en découvrant l’origine de la lueur. Le spectacle qui s’offrait à leurs yeux était somptueux. Les parois étaient entièrement recouvertes de cristaux qui reflétaient un lagon souterrain. La voûte scintillait tel un ciel étoilé. Après un long moment, ils purent s’extirper de leur état de transe et retournèrent plein d’excitation au village. Ils allèrent consulter la vieille prêtresse pour lui faire part de leur découverte.

Elle leur raconta la légende ancestrale d’une déesse piégée sur l’île par un mauvais esprit. Attirée par de magnifiques cristaux, elle ne vit pas le danger et se retrouva prisonnière dans une grotte, incapable de trouver la sortie. Elle attendrait toujours de pouvoir s’évader, mais personne n’avait jamais trouvé la grotte en question. Le lendemain, les enfants émerveillés cherchèrent de nouveau la grotte, mais ne parvinrent pas à la retrouver. Cependant, ils auraient pu jurer entendre les oiseaux rire ce jour-là, d’un rire de femme qu’ils n’oublieraient jamais.