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[Texte sans titre]

Détente

Ce matin je me suis levé à 7h47 après une nuit encore trop courte et le 5ème rappel de mon réveil. Une douche, un café, 2 tartines de pain rassis avec du beurre et je suis parti pour ma 784ème journée de travail dans l'entreprise biscotto ("les biscottes qu'il vous faut" selon l'enfant de l'horrible panneau publicitaire de mon arrêt de bus). Comme d'habitude depuis la fin de ma période d'essai, j'ai une bonne quinzaine de minutes de retard, mon supérieur le sait mais a arrêté de me le reprocher depuis longtemps. J’enchaîne les taches plus inutiles et inintéressantes les unes que les autres sans aucun entrain ni motivation. Malgré tout, ma hiérarchie semble fière de moi et m'a même offert une promotion inattendue en début de mois. A 9h56 je pars en pause et retrouve Noémie qui me raconte les dernières rumeurs dont je n'ai rien à faire, la secrétaire du service compta aurait été surprise avec Gérard un cadre de la boite marié avec 2 enfants. J'acquiesce sans réfléchir et bois mon café amer et acide dans un gobelet en plastique blanc. Je reprends mon travail et signe un contrat avec l'entreprise GrosJean pour qu'ils équipent leurs restaurants de nos grille-pains. Arrive midi, j’évite la table de Noémie pour me retrouver avec Alexandra. Elle parle fort et rigole beaucoup, je souris à ses blagues pour ne pas paraitre désagréable pendant que Xavier est plié de rire, au moins ça fait passer le temps. Je fini ma journée somme toute banale et rentre avec le bus 51 et son odeur de transpiration de fin de journée.

Arrivé chez moi personne ne m’attend et je n’attends personne. Je ne suis pas assez responsable pour avoir une copine, un chat et encore moins un enfant. J’ai déjà du mal à entretenir ma vie, je ne suis pas capable de prendre soin de celle des autres. D’ailleurs je ne le désir pas, je m’épanoui comme une fleur à l’ombre, je prends ce que l’on donne à mes racines et je grandi trop lentement. Je m’assois lourdement dans mon vieux canapé et lance une playlist de Pink Floyd. J’écoute une dizaine ou une trentaine de minutes, je laisse mon esprit libre à lui-même, les yeux fermés, ma tête danse et ma pensée se dissipe. L’album se termine, à demi-conscient je choisis la prochaine musique, the ends des Doors. Je me lève machinalement au son des premières notes, rallume le joint à moitié fumé dans le cendrier, tire une grande inspiration sur le la braise incandescente et laisse mon corps se déformer et faire des gestes maladroits et gracieux dans une adéquation parfaite avec l’existence. Je ne fais plus qu’un avec mon environnement, je suis libéré de mon corps et des contraintes physiques de son enveloppe. Après quelques bouffés de fumée, je m’allonge sur le sol pour admirer les constellations se mouvoir derrière mes paupières. Je les caresse de gestes délicats puis les laisse tournoyer au profond de la mélodie, dans une harmonie de douceur et de chaos. La musique s’évapore progressivement mais la douceur de sa force est encrée en moi et m’habite comme une source intarissable. Je termine mon joint, mais mon être reste détaché de mon corps et du temps, seul existe une sensation de plénitude et d’apaisement.

J’ai ce soir encore arraché les chaines de ma morne existence pour les troquer contre une envolé factice vers la liberté. Un jour peut être j’aurai le courage de quitter cette vie de devoirs, pour vivre pleinement ma liberté, dans un monde sans règles, sans maitres et sans dieux.