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L'Addition

Ecrit par Cécile Forestier

Haut dans le ciel, l’astre du jour caresse ma peau. Je goûte encore un instant à la chaleur de son éclat avant de me décider à rentrer. En ouvrant un oeil, j’aperçois une petite chose traverser la pelouse à toute vitesse. La musaraigne ! Encore elle ! Cette fois, c’est décidé, je trouverais son terrier !

Je me lance à sa poursuite. La bestiole est rapide mais je refuse de la perdre des yeux. J’allais la suivre sous la haie quand j’entends mon prénom au loin. Au ton employé, je renonce immédiatement à ma chasse perdue d’avance et fais demi-tour, quelque peu déçu. En passant sur la terrasse, je remarque que le vieux Hector n’a pas bougé depuis mon départ dans le jardin. Allongé sur un pouf en forme de guimauve, il ronfle profondément.

Cassiopée non plus n’a pas bougé. Elle fixe toujours un couple de mésange qui bâtit son nid. Je suis certain qu’elle a déjà élaboré mille et unes stratégies pour aller les déloger. Imperturbable, elle n’esquisse pas un mouvement lorsque je passe à côté d’elle. En revanche, le bruit de la boîte à friandises secouée par Jules dans la cuisine la fait bondir vers lui. Ni une ni deux, nous voilà près de lui.

Satisfait de nous voir aussi rapidement, Jules annonce d’une voix émue :

- Cassiopée, Firmin, nous serons absents deux ou trois jours. Madame Laplace viendra s’occuper de vous. Je compte sur vous pour être sages ! Et soyez gentils avec Hector ! À bientôt mes loulous.

Sur ces mots, il sort de la maison et j’entends sa voiture rugir. Ce bruit qui m’effraie tant finit par s’éloigner et je me retrouve seul. Avec Cassiopée qui a l’air aux anges. Je ne comprends pas pourquoi Marie et Jules sont partis. Des dizaines de scénarios se bousculent dans ma tête. Puis je souviens de les avoir vus soucieux ce matin. Contrairement à d’habitude, ils n’ont pas apprécié que je vienne me glisser dans leur lit pour les réveiller.

Cassiopée a vu mon air soucieux. Elle s’approche de moi et m’explique d’un air nonchalant que tout allait bien et que cette séparation momentanée faisait partie de la vie. Son discours monotone ne me convainc pas. Elle lève les yeux au ciel et me traîne à l’extérieur de la maison.

Hector a changé de position, tournant avec l’ombre comme s’il craignait d’attraper une insolation. Cassiopée s’approche de lui de sa démarche féline en minaudant.

- Hector, il est l’heure de se lever ! Le petit a besoin de tes connaissances éclairées pour combler une terrible lacune ! Il ne connaît pas l’Addition.

Hector ouvre un oeil, grogne dans sa barbe et se redresse. Je parais minuscule face à lui et je maudis Cassiopée de l’avoir réveillé. Le vieux berger me transperce du regard.

- Il est vrai que suite à ton arrivée récente au sein de cette maison, il est de mon devoir de t’enseigner un principe élémentaire.

Je le regarde sans comprendre. À mes côtés, Cassiopée ricane, jusqu’à ce que Hector lui enjoigne d’énoncer ce mystérieux théorème.

Elle prend un air suffisant de Je-sais-tout :

- « Deux et deux font trois ».

Je les regarde sans comprendre. Deux et deux n’ont jamais fait trois. Le soleil a dû leur monter au cerveau. Cassiopée me toise, méprisante, tandis qu’Hector a l’air bienveillant de celui qui s’est déjà retrouvé à ma place.

- Cela veut dire que nos deux deux-pattes, Jules et Marie, vont revenir avec un troisième.

Une lueur de compréhension brille dans mes yeux. J’aboie de joie et je cours me poster près de l’entrée. Je serais le premier à accueillir le nouveau deux-pattes.