Ne pas tout rejeter en (Black) bloc

Suite aux dégradations de la manifestation du 1er mai, il a été question des« Black Blocs ». Il s’agira ici de dépasser certains discours pour essayer de comprendre ce que sont ces blocs.

Tout d’abord, il n’existe pas d’organisation des Black Blocs, il s’agit plutôt d’une méthode, d’une façon de manifester. A partir du moment où des manifestants vêtent de noir et enfilent un masque, un foulard ou une cagoule, ils et elles forment un Black Bloc. En s’habillant ainsi, les manifestants ne peuvent être clairement identifié.e.s par la police ; il est difficile pour cette dernière de procéder à une arrestation ciblée dans une masse noire uniforme.

En plus de permettre concrètement d’échapper au contrôle policier, la tenues’oppose au fait même d’être assigné comme sujet. En effet porter le noir, c’est d’une part se départir de ses caractéristiques particulières, se fondre dans un bloc pour « exprimer sa solidarité avec toutes celles et tous ceux qui sont assujettis, il s’agit d’autre part de refuser d’être caractérisé et reconnu par un système qui ne fonctionne qu’entant qu’il classe et catégorise. En somme : lutter contre le maintien de l’ordre. »[1]

Bien sûr les participant-e-s aux Black Blocs ont des revendications, souvent les mêmes que la manifestation dans laquelle on les trouve. Mais les personnes qui s’habillent de noir estiment que la manifestation aujourd’hui, comme forme instituée,n’est pas suffisante pour faire changer les structures de la société et sortir du système capitaliste qualifié de « destructeur ».

Car la violence mise en place par les Black Blocs est une réaction face à la violence des dispositifs qui tendent à maintenir un certain ordre social, et par là empêchent d’autres formes de subsistance hors du champ légal et du marché du travail. « Les Blacks blocs ciblent donc des objectifs divers mais pas neutres : bâtiments représentant l’État, grandes sociétés commerciales, panneaux publicitaires... Ce sont principalement des biens matériels qui sont touchés car la non-violence ne signifie pas qu’ils ne peuvent pas recourir à la force, mais que leurs actions ne doivent viser que des biens et non des êtres humains. »[2]

La légalité et ses institutions nous préexistent largement et contraignent le corps social à s’y conformer. Pour autant, certains aimeraient remettre en question ces règles, en offrant un pas de côté, un regard résolument critique.Notre société ne tolère pas d’alternative, ni même de tentative d’alternative(pensons à l’actualité de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes) ; qu’on le veuille ou non, nous sommes fichés, enregistrés, gérés, policés.

Cette violence légitime, l’État en détient le monopole. Mais la légitimité peut être questionnée au vu de l’importance des choix de société opérés par nos représentant?e?s au nom du plus grand nombre alors que celui-ci brille surtout par sa non-implication électorale et son rejet de plus en plus profond des institutions. Elle peut aussi être remise en cause quand le gouvernement brime, opprime, défait la solidarité nationale, nie de plus en plus nos libertés individuelles et collectives, asservit le futur par la dette économique et écologique.

Les Black Blocs sont donc un type de manifestation des mouvances qui critiquent radicalement notre mode d’organisation productiviste ainsi que l’asservissement social et écologique qui en découle. À cet état de fait, ces groupes veulent opposer un tiers lieu hors de ce monde afin de faire exister une alternative, un débat, une porte de sortie. Comme cet espace-temps n’existe pas aujourd’hui, parce qu’il n’est pas permis, les Black Blocs se forment en réponse à la violence légitime de l’État et du système.



[2] Note du Centre de Recherche del’École des Officiers de la Gendarmerie Nationale (CREOGN)